Paris à nouveau sous les eaux : un rendez-vous inévitable ? Il y a cent ans, à la fin du mois de janvier 1910, une conjonction de facteurs climatiques exceptionnels (été pluvieux, automne humide, fortes précipitations hivernales) engendre une « crue du siècle » sur Paris et la région parisienne. Bilan : douze arrondissements sinistrés, 20.000 immeubles endommagés, 150.000 parisiens et 200.000 banlieusards sinistrés, le métro et le tramway totalement désorganisés, quatre gares fermées, le gaz et l'électricité coupés, la plupart des usines alimentant la capitale inondées. La décrue prendra 35 jours et l'état d'alerte ne sera levé qu'à la mi-mars 1910. La catastrophe aura coûté 450 millions de francs-or, un peu plus de 1,5 milliard d'euros d'aujourd'hui. Une telle catastrophe peut-elle se reproduire aujourd'hui ? Pour les experts, la question n?est pas de savoir si, mais plutôt quand. Car le consensus est bien là : une chose est certaine, cette catastrophe est appelée à se reproduire. Certes, des dispositions ont été prises, des aménagements réalisés et des infrastructures ont été construites mais tous les spécialistes s'accordent à dire que si les mêmes conditions climatiques devaient survenir, aucun aménagement technique ne pourrait l'endiguer. Et si notre société est aujourd'hui mieux protégée, elle est aussi plus vulnérable. A Paris et en petite couronne, 90% du territoire inondable est aujourd'hui urbanisé? Or, la capacité de stockage des 4 lacs-réservoirs (au total 830 millions de m3) établis en amont de la région parisienne qui permettent de réguler le débit de l'Yonne, la Seine, la Marne et l'Aube, ne pourrait pas compenser le volume de 1,4 milliard de m3 enregistré lors de la crue de 1910. Quand un tel phénomène peut-il survenir ? Nul ne peut bien évidemment le prévoir. Par définition, la probabilité d'apparition d'une crue centennale sur une année est de 1%. 30 ans après, cette probabilité d'occurrence monte à 26% et 100 ans après (c'est-à-dire maintenant) à 63%. Mais le calcul est purement théorique : une crue centennale peut ne pas survenir pendant une très longue période pour ensuite frapper plusieurs années d'affilée. Une chose est cependant certaine : la perception d'un risque est toujours sous-estimée par sa faible récurrence. Or, selon la Diren Ile-de-France et l'Etablissement public des Grands Lacs de Seine, le coût d'une inondation comparable à celle de 1910 atteindrait aujourd'hui plus de 15 milliards d'euros. Une telle inondation toucherait 508 communes, dont 31 sur plus de la moitié de leur territoire. 850.000 habitants seraient directement exposés. Près de 2 millions de personnes seraient affectés par des coupures d'électricité et 2,7 par des coupures d'eau potable? Les submersions pourraient atteindre plus de 2 mètres dans les secteurs les plus exposés et durer jusqu'à 8 semaines'. Comment se prémunir d'un tel phénomène ? D?abord en sensibilisant : le risque inondation est, en France, le premier risque naturel. En métropole, Il concerne directement une commune sur trois, de 5 à 7 millions d'habitants et environ 400 000 entreprises. Ensuite, une politique nationale et communautaire de prévention des inondations existe et se met peu à peu en place pour permettre à notre pays de faire face à ce risque naturel. Mais il appartient aussi aux entreprises, aux administrations et aux industries de se prémunir en élargissant leur approche en matière de gestion des risques pour protéger leurs infrastructures les plus vitales. Une usine située en zone inondable a 6 fois plus de chance d'être touchée par une inondation plutôt qu'un incendie dont les risques sont pourtant pris en compte depuis longtemps. Or, une gestion post-sinistre est d'autant plus longue et difficile que le risque n?a pas été anticipé. Les tragiques inondations survenues en Grande-Bretagne en 2007 ont démontré que l'établissement d'un plan d'urgence inondation pouvait réduire le coût d'un sinistre par trois et sauver l'entreprise de la catastrophe.